Dépêche

En Chine, la précarité menace en cas de perte de l'enfant unique

PEKIN (AFP) - Quand Wu Rui a perdu sa fille unique, morte de maladie à l'âge de 12 ans, cette habitante de Pékin a également perdu un futur soutien capital pour ses vieux jours.

Aujourd'hui quinquagénaire, avec deux parents à charge qui perçoivent une pension de retraite dérisoire, la Chinoise habite une maison de deux pièces délabrée.

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Mme Wu vit dans la crainte permanente de devoir faire face à des soins d'urgence, qu'elle n'aurait aucun moyen de payer. "Si j'avais un gros souci de santé, alors je n'aurais probablement pas assez d'argent", dit-elle calmement. "Bien sûr, cela sera difficile".

La Chinoise a divorcé en 1994 et a perdu sa fille, Zhang Weina, qui souffrait d'épilepsie, un an plus tard. Elle passe maintenant la plus grande partie de son temps à domicile, à tricoter des chandails et à préparer la nourriture dans une cuisine très étroite, qui sert aussi de chambre à sa mère de 76 ans.

Elle partage l'autre pièce avec son père, déjà octogénaire et dont l'audition est défaillante. Il demeure de longs moments assis sur son lit, surplombé par deux ampoules qui pendent d'un fil électrique, tandis que la peinture craquelle sur les murs.

En Chine, la politique de l'enfant unique a empêché la naissance de près d'un demi-milliard de personnes depuis 1980.

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Mais cette politique, qui n'a été appliquée nulle part ailleurs sur une telle échelle et avec une telle rigueur, se transforme en bombe à retardement: le vieillissement va poser d'énormes problèmes économiques et sociaux au pays le plus peuplé du monde.

Particulièrement en cause: la pyramide inversée du 4-2-1: quatre grands-parents, deux parents, à la charge d'un enfant unique incapable de subvenir à leurs besoins. Et souvent confronté lui-même au chômage, ou à l'exode vers les villes pour travailler.

Ce schéma est encore plus porteur de menaces pour les familles issues d'un milieu social peu aisé, dont l'enfant à la base de la pyramide viendrait à mourir.

Environ un million de familles en Chine ont perdu depuis 1980 leur unique descendant, et de 4 à 7 autres millions de familles devraient se retrouver dans ce cas dans les 20 à 30 prochaines années. De quoi faire peur au gouvernement, qui redoute plus que tout les instabilités sociales liées au fossé riches/pauvres grandissant.

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Depuis 2001, la législation nationale exige donc des gouvernements locaux qu'ils fournissent "l'aide nécessaire" aux familles qui ont perdu leur enfant unique, mais sans définir ce que cela implique.

De fait, les réglementations varient selon les régions. La province du Sichuan permet par exemple aux familles qui ont perdu leur enfant dans le séisme qui a fait des dizaines de milliers de morts en 2008, d'avoir un autre descendant. La municipalité de Shanghai prévoit elle le versement unique d'une allocation d'un montant non précisé.

D'autres gouvernements locaux offrent des petites bourses d'aide, tandis que la capitale, Pékin, verse 200 yuans (25 euros) par mois et propose un soutien "psychologique" sous la forme de visites de jeunes à domicile.

"Les mesures (d'assistance) ont toujours existé, mais je ne pense pas qu'elles soient vraiment efficaces", estime Yi Fuxian, un universitaire basé aux Etats-Unis, très critique envers la politique de planification familiale chinoise.

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Avec d'autres experts, il préconise que Pékin abandonne purement et simplement la politique de l'enfant unique.

Celle-ci a certes fait tomber la fécondité à environ un enfant et demi par Chinoise, mais, de la métropole jusqu'au hameau isolé, elle a été menée à marche forcée: stérilisations de masse, avortements jusqu'à huit mois de grossesse, infanticides et abandons de petites filles.

Les couples rebelles encourent toujours des amendes de plusieurs années de salaire, la suppression de l'accès aux services sociaux, la prison parfois. Les "enfants noirs" n'ont toujours aucune reconnaissance légale.

Selon Gu Baochang, professeur à l'Université du Peuple de Pékin, les autorités reconnaissent de plus en plus les problèmes que la politique de l'enfant unique a créés, surtout maintenant que la première génération de parents entre dans le troisième âge.

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Mais le pouvoir aurait déjà dû agir depuis longtemps, estime-t-il. "Plus ils attendront, plus ce sera douloureux, plus les coûts seront élevés et plus il y aura de familles qui auront perdu leur enfant unique".

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